Symposium : The Impact of International Law on Foreign Policy-Making: The Role of Legal Advisers
Abstract
L'époque est révolue où les traités internationaux ne réglaient que des questions politiques n'intéressant en définitive que les gouvernements. Dès le XIXème siècle, les traités internationaux se sont imposés, par la force des choses, lorsqu'il s'est agi de réglementer des domaines techniques ou des domaines qui, par nature, dépassaient la sphère d'action d'un seul Etat (navigation fluviale, postes et télégraphes, transports ferroviaires, propriété industrielle, littéraire et artistique). Au XXème siècle, ils sont devenus un élément essentiel de tout ordre juridique étatique, leur vocation première étant souvent de s'appliquer directement dans l'ordre juridique interne. Les traités internationaux qui lient la Suisse conditionnent ainsi de manière décisive l'élaboration de sa législation interne. Instruments aussi indispensables que la loi pour réaliser le principe de la primauté du droit, ils sont de surcroît, pour un petit pays comme la Suisse, un moyen juridique efficace de sauvegarder son indépendance sur une scène internationale encore largement dominée par les rapports de force.
Un engagement déterminé en faveur du respect, du développement et de l'harmonisation du droit revêt une importance croissante dans la défense de la souveraineté suisse et se trouve ainsi directement lié à la défense de son ordre juridique intérieur. En effet, il n'est pas acceptable qu'un droit ou qu'une puissance étrangère s'immiscent à l'intérieur de ses frontières, mettant en danger son autonomie juridique.
Ainsi la création de liens juridiques avec l'étranger, que ce soit dans le but d'atteindre des objectifs communs, de favoriser l'échange de biens et de services ou d'harmoniser le droit, est un des instruments principaux de la promotion des intérêts de la Suisse. C'est aussi un facteur essentiel du développement économique, social, scientifique et culturel de notre pays. En reconnaissant la primauté du droit des gens sur le droit national, en la garantissant au travers de ses tribunaux, il démontre concrètement son attachement au respect du droit international.
Ces deux idées force (primauté du droit international et défense de la souveraineté) étant présentées, il est important en guise d'introduction de distinguer la position de la Suisse selon que l'on se place au niveau mondial (I) ou au niveau européen (II) avant d'étudier sa conception du Droit international (III).
A. La situation de la Suisse dans le monde
Dans sa réponse à une intervention de la Commission des Affaires étrangères du Conseil national (une des deux Chambres du Parlement suisse) du 18 mars 1986 sur la position de la Suisse dans le monde, le Conseil fédéral, c'est-à-dire le Gouvernement, a mentionné, parmi les constantes de notre politique étrangère, l'attachement de la Suisse au droit international, en relevant notamment ce qui suit:
Il faut citer notre attachement au droit international, qui permet aux relations internationales d'être autre chose que de purs rapports de force. La Suisse ne s'est ainsi jamais soustraite à ses obligations découlant du droit des gens, droit qu'elle cherche à promouvoir et à développer en participant au mieux à son élaboration.
Le droit des gens détermine en effet le cadre juridique de la coopération internationale et l'équilibre des intérêts internationaux. Par sa participation active à la création, à la mise à jour, au développement et à l'application effective de ce droit, la Suisse contribue à la stabilisation des relations internationales. S'appuyant sur une forte tradition juridique, ses représentants s'efforcent de le rendre équilibré, aussi compréhensible que possible, dénué de contradictions et réellement applicable.
Cependant, dans le domaine de la codification progressive du droit international, il faut bien constater que le centre de gravité des efforts accomplis en la matière se trouve aux Nations Unies. La Suisse étant absente de cette organisation, notamment de la Commission du droit international, il lui est difficile de faire pleinement valoir son point de vue. Son statut particulier requiert donc des efforts supplémentaires, afin que ses intérêts soient, ne serait-ce que partiellement, pris en considération dans les enceintes dont elle se tient volontairement à l'écart.
B. La situation de la Suisse en Europe
Si, sur le plan européen, la position suisse est globalement meilleure qu'au niveau mondial, il faut cependant faire ici aussi une distinction fondamentale. En effet, la Suisse est membre du Conseil de l'Europe. A ce titre, elle participe pleinement aux efforts d'harmonisation du droit pour autant qu'il s'agisse de domaines qui ne sont pas de la compétence de la Communauté européenne dont elle ne fait pas partie. Or, il y a lieu de relever que le droit interne édicté par la Communauté détermine et restreint toujours d'avantage l'espace matériel de législation du Conseil de l'Europe.
En outre, la Suisse a de plus en plus souvent comme partenaire non plus les Etats membres mais la Communauté elle-même et, si elle a encore des accords commerciaux et des traités d'établissement avec la plupart de ces Etats, ils doivent être soit dénoncés soit renégociés pour tenir compte du transfert de compétences intervenu en faveur de la Communauté. Ce phénomène existe aussi au sein du G.A.T.T. où la Communauté apparaît fréquemment comme un bloc économique à côté des Etats-Unis et du Japon.
L'importance croissante du phénomène communautaire pose donc le problème d'une éventuelle adhésion de la Suisse.
Le Conseil fédéral a ainsi adopté il y a quelques mois un rapport sur la position suisse dans le processus d'intégration européenne. Il constate que même en cas de non-adhésion les grandes entreprises suisses (banques et assurances notamment), grâce à leurs filiales et au rachat d'entreprises, bénéficient des perspectives offertes par le grand marché intérieur, alors que les petites et moyennes entreprises des secteurs industriels et de l'artisanat risqueraient de souffrir de l'adhésion de la Suisse qui en tant qu'Etat membre devrait accorder la réciprocité aux sociétés des autres Etats membres. Le Conseil fédéral conclut donc qu'il n'est pas possible d'envisager dans les circonstances actuelles une adhésion.
Pour limiter la portée de cette décision, le Conseil a l'intention de continuer à faire le meilleur usage possible de la clause évolutive de l'accord de libre-échange conclu en 1972 entre la Suisse et la C.E.E. Plus généralement, il poursuit avec celle-ci une politique de coopération active, soit bilatéralement, soit dans le cadre de l'Association Européenne de Libre-Echange (A.E.L.E.). C'est dire l'importance que revêtent, aux yeux de la Suisse, les rapports conventionnels.
C. La conception suisse du droit international
Selon un principe fondamental du droit international public, tout traité en vigueur lie les Etats parties et doit être exécuté par eux de bonne foi (principe pacta sunt servanda, cf. article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969). Les parties sont responsables de l'exécution complète des engagements internationaux qu'elles ont assumés. Cette exécution ne s'épuise pas seulement dans le respect scrupuleux de leurs engagements sur le plan international, mais implique la mise en _uvre, sur le plan interne, des moyens propres à donner à ces engagements un effet optimal. Pour les Etats membres du Conseil de l'Europe, ces principes généraux ressortent avec une particulière netteté dans l'attachement inébranlable qu'ils manifestent, dans le préambule et à l'article 3 du Statut de cette Organisation, au principe de la «prééminence du droit».
Ainsi, conformément à une pratique constante, la Suisse observe strictement les engagements internationaux qu'elle a assumés. Selon sa conception, les traités internationaux font partie intégrante dès leur entrée en vigueur de l'ordre juridique interne. Ils acquièrent force obligatoire pour les organes de l'Etat avant même leur publication.
Sont directement applicables les dispositions conventionnelles qui, considérées dans leur contexte et à la lumière tant de leur objet que de leur but, sont inconditionnelles et suffisamment précises pour produire un effet direct et s'appliquer ainsi à un cas d'espèce. Tel est en principe le cas des garanties matérielles du Titre 1er de la Convention européenne des droits de l'homme; tel n'est pas le cas, en revanche, des dispositions conventionnelles de la Charte sociale européenne, instrument qui énonce un programme et fixe de simples lignes directrices dont doit s'inspirer le législateur.
Cette présentation générale étant faite, il reste à étudier en détail l'attitude de la Suisse à l'égard du droit international en développant trois thèmes; tout d'abord, il est impératif de s'arrêter sur la neutralité permanente de la Suisse, statut qui est à la base de sa position dans le monde actuel (I). Ensuite, malgré son absence de l'O.N.U., il apparaîtra que sa contribution, quant à l'élaboration des règles du droit internation